L’état d’urgence sanitaire a été déclaré par la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 pour une durée de deux mois à compter de l’entrée en vigueur de cette loi.
En l’état, l’état d’urgence sanitaire est donc en vigueur jusqu’au 24 mai 2020.
Pour tenir compte de cette situation des mesures d’adaptation ont été décidées. Celles-ci portent sur les exigences procédurales applicables et sur l’organisation des juridictions.
En matière civile, commerciale et sociale, deux ordonnances ont notamment tiré les conséquences de la situation nouvelle née de cet état d’urgence sanitaire, pour des périodes au demeurant antérieures au 23 mars 2020 et postérieures au 24 mai 2020.
Il s’agit d’une part, de l’ordonnance 2020-304, portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété (1) et d’autre part de l’ordonnance 2020-306 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période (2).
I- LES AUDIENCES : LEUR SORT EST FIXE PAR L’ORDONNANCE N° 2020-304
En l’état, ce texte couvre la période du 12 mars 2020 au 24 juin 2020.
Selon l’article 4 de ce texte, les audiences supprimées doivent naturellement faire l’objet d’un renvoi avec une nouvelle date communiquée aux parties.
La nouvelle date ne sera pas nécessairement fixée le jour de l’audience supprimée, mais pourra faire l’objet d’une fixation ultérieure.
L’article 5 généralise la tenue des audiences à juge unique durant la période concernée en première instance ou en appel sur décision du Président de la juridiction.
L’article 6 prévoit durant la période concernée, des modalités assouplies de notification de conclusions, étant rappelé que devant le tribunal judiciaire ou la cour d’appel, la communication électronique demeure obligatoire et pleinement applicable.
La possibilité de la tenue des audiences par visio-conférence est étendue par l’article 7 de cette ordonnance.
L’article 8 constitue une dérogation importante aux règles jusque-là applicables :
Lorsque la représentation est obligatoire ou que les parties sont assistées ou représentées par un avocat, le juge ou le président de la formation de jugement peut décider que la procédure se déroule selon la procédure sans audience. Elle en informe les parties par tout moyen. A l'exception des procédures en référé, des procédures accélérées au fond et des procédures dans lesquelles le juge doit statuer dans un délai déterminé, les parties disposent d'un délai de quinze jours pour s'opposer à la procédure sans audience. A défaut d'opposition, la procédure est exclusivement écrite. La communication entre les parties est faite par notification entre avocats. Il en est justifié dans les délais impartis par le juge.
Ainsi, le juge peut, sous certaines conditions, écarter la tenue d’une audience, sauf opposition des parties.
Il faudra veiller à ce que la décision du juge de retenir l’affaire sans audience soit bien portée à la connaissance des parties puisque c’est cette décision qui fera courir le délai d’opposition de 15 jours.
Ce texte est applicable devant toutes les juridictions y compris devant le Pôle social du tribunal judiciaire.
En matière de procédures en référé, de procédures accélérées au fond (anciennement procédures en la forme des référés) et de procédures dans lesquelles le juge doit statuer dans un délai déterminé, les parties ne peuvent s’opposer à l’absence de tenue d’une audience.
L’article 9 de l’ordonnance dispose qu’en cas d'assignation en référé, la juridiction statuant en référé peut rejeter la demande avant l'audience, par ordonnance non contradictoire, si la demande est irrecevable ou s'il n'y a pas lieu à référé. Il s’agit là d’une mesure grave car portant manifestement atteinte aux droits de la défense.
En résumé, cette ordonnance est avant tout destinée à permettre à la juridiction de retenir les affaires, durant la période concernée, selon des modalités allégées fondées notamment sur une procédure écrite et tenue sans audience.
Devant la cour d’appel de PARIS les dossiers fixés jusqu’au 30 avril 2020 aux audiences de plaidoiries des chambres non pénales des pôles 1 à 6 seront renvoyés à une date d’audience des chambres concernés pour fixation à partir du 28 septembre 2020.
A compter du mois de mai 2020, et jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire, les juridictions de première instance ou d’appel vont, très vraisemblablement et pour ne pas créer de retard supplémentaire, de faire usage de l’article 8 précité, en retenant sans audience les affaires aux dates prévues initialement pour plaider.
II- LES DELAIS ECHUS : LEUR SORT EST TRAITE PAR L’ORDONNANCE N°2020/306
Cette ordonnance est relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire.
Les dispositions de ce texte sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l'article 4 de la loi du 22 mars 2020 susvisée, soit le 24 juin 2020.
L’article 2 de cette ordonnance prévoit que :
Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.
Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l'acquisition ou de la conservation d'un droit.
L’article 2 envisage donc un mécanisme de report du terme ou de l’échéance pour les actes, actions en justice, recours, formalités, inscriptions, déclarations, notifications ou publications prescrits par la loi ou le règlement, et qui devaient être réalisés pendant la période juridiquement protégée définie à l’article 1er (période d’état d’urgence sanitaire + 1 mois), le délai légalement imparti pour agir court de nouveau à compter de la fin de cette période, dans la limite de deux mois.
L’ordonnance ne prévoit ni une suspension générale ni une interruption générale des délais arrivés à terme pendant la période juridiquement protégée définie à l’article 1er ni une suppression de l’obligation de réaliser tous les actes ou formalités dont le terme échoit dans la période visée.
L’effet de l’article 2 de l’ordonnance est d’interdire que l’acte intervenu dans le nouveau délai imparti puisse être regardé comme tardif.
Ainsi, alors même qu’il est réalisé après la date ou le terme initialement prévu, l’acte peut, en vertu de l’article 2 de l’ordonnance, être régulièrement effectué avant l’expiration d’un nouveau délai égal au délai qui était initialement imparti par la loi ou le règlement, lequel recommence à courir à compter de la fin de la période juridiquement protégée définie à l’article 1er (c’est-à-dire à l’issue de la période d’état d’urgence sanitaire augmentée d’un mois).
Ce délai supplémentaire après la fin de la période juridiquement protégée ne peut toutefois excéder deux mois.
Ainsi :
Soit le délai initial était inférieur à deux mois et l’acte doit être effectué dans le délai imparti par la loi ou le règlement à compter du 24 juin 2020,
Soit il était supérieur à deux mois et il doit être effectué dans un délai de deux mois à compter du 24 juin 2020 (Sous réserve de la date définitive de fin de l’état d’urgence sanitaire..)
L’article 2 ne concerne que les délais qui sont arrivés à échéance ou les actes qui devaient être accomplis pendant la période juridiquement protégée.
Sont donc exclus de cette mesure :
· les actes qui devaient être accomplis avant le 12 mars 2020 : leur terme n’est pas reporté ;
· les délais dont le terme est fixé au-delà du mois suivant l’expiration de la cessation de l’état d’urgence sanitaire (par exemple un délai pour conclure d’un intimé expirant en appel le 26 juin 2020 après la notification de conclusions par l’appelant le 26 mars 2020) : le terme de ces délais ne fait l’objet d’aucun report.
L’alinéa 1er ne vise que les actes prescrits « par la loi ou le règlement » et les délais « légalement imparti[s] pour agir ».
Il en résulte que les délais prévus contractuellement ne sont pas concernés par ce texte.
L’article 3 de l’ordonnance proroge de plein droit, jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la fin de la période juridiquement protégée (fin de l’état d’urgence sanitaire + 1 mois) les mesures conservatoires, d’enquête, d’instruction, de conciliation ou de médiation.
L’article 4 vise à tenir compte des difficultés d’exécution résultant de l’état d’urgence sanitaire en paralysant, durant cette période, les astreintes prononcées par les juridictions ou les autorités administratives ainsi que les clauses contractuelles ayant pour objet de sanctionner l’inexécution du débiteur. Il prévoit ainsi d’abord que les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses de déchéance, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n’avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période juridiquement protégée visée à l’article 1er (fin de l’état d’urgence sanitaire + 1 mois).
Elles prendront effet un mois après cette période, si le débiteur n’a pas exécuté son obligation d’ici là.
Le texte fixe ensuite le sort des astreintes et clauses pénales qui avaient commencé à courir avant le 12 mars 2020 : leur cours est suspendu pendant la période juridiquement protégée définie à l’article 1er ; elles reprendront effet dès le lendemain. En toute hypothèse, lorsque les astreintes auront pris cours ou les clauses produit leur effet avant le 12 mars 2020, le juge ou l’autorité administrative peut y mettre fin s’il est saisi.
LES ORDONNANCES 2020/305 et 2020/306 EN DATE DU 25 MARS 2020 ET LEURS EFFETS EN MATIERE DE PROCEDURE ADMINISTRATIVE
Certaines règles applicables devant les juridictions administratives font l’objet de mesures d’adaptation pour tenir compte de l’état d’urgence sanitaire déclaré́ par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020.
Textes de référence :
· Ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif
· Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période.
I- LE SORT DES AUDIENCES
Durant la période comprise entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, le juge peut décider que les audiences se tiennent hors la présence du public ou avec un public restreint.
Il peut aussi décider que l’audience aura lieu par visioconférence ou, si cela est impossible, par téléphone.
Le juge peut enfin, après information des parties, statuer sur les référés sans audience.
Les parties en sont alors informées et une date de clôture d’instruction est fixée.
II- LE SORT DES DÉLAIS
Quels sont les délais de recours applicables ?
Lorsque le délai de recours légalement prévu prend fin entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois après la cessation de l’état d’urgence, il recommence à courir à partir de cette dernière date – soit le 24 juin si la durée de l’état d’urgence sanitaire n’est pas modifiée – pour sa durée initiale, calculée en délai franc, dans la limite de deux mois.
A titre d’exemple, dans le cas d’un recours soumis au délai de droit commun de deux mois, si le délai de recours expirait le 30 mars, la requête sera recevable jusqu’au 24 août 2020 inclus.
les délais relatifs aux actes d’instruction réalisés par le juge
Les clôtures d’instruction dont la date était initialement fixée par le juge entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire sont reportées de plein droit d’un mois après la fin de l’état d’urgence, soit jusqu’au 23 juin inclus.
Les délais impartis par le juge dans le cadre d’une mesure d’instruction (demande de production d’un mémoire ou d’une pièce complémentaire, demandes de régularisation d’une requête, mise en demeure...) et prenant fin entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire sont prorogés de plein droit de deux mois après la fin de cette période, soit jusqu’au 23 août inclus.
Enfin, les délais pour produire un mémoire ou une pièce prévus par un texte législatif ou règlementaire et qui prennent fin entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire, recommencent à courir à compter de la fin de cette période pour leur durée initiale, calculée en délai franc, dans la limite de deux mois, soit jusqu’au 24 août inclus.
Il s’agit pour l’essentiel du délai prévu par l’article R. 611-22 du code de justice administrative pour produire un mémoire complémentaire devant le Conseil d’État, du délai dans lequel le requérant doit confirmer sa requête au fond à la suite du rejet d’un référé́ suspension dans les conditions prévues à l’article R. 612-5-2 du code de justice administrative et du délai prévu par l’article R. 600-4 du code de l’urbanisme pour présenter des moyens nouveaux à la suite de la communication du premier mémoire en défense.
Dans quel délai le juge doit-il statuer ?
Les textes prévoient parfois que le juge doit statuer dans un certain délai.
Ces délais font également l’objet de mesures d’adaptation durant la période de lutte contre l’épidémie.
D’une manière générale, les délais impartis au juge pour statuer qui ont couru en tout ou partie pendant la période allant du 12 mars 2020 jusqu’à la date de fin de l’état d’urgence sanitaire, sont reportés jusqu’au premier jour du deuxième mois suivant la cessation de l’état d’urgence sanitaire.
L’ORDONNANCE 2020/303 EN DATE DU 25 MARS 2020 ET SES CONSEQUENCES EN MATIERE DE PROCEDURE PENALE
I- LES AUDIENCES
En pénal, toutes les audiences sont renvoyées pendant le temps du plan de continuité.
Seules certaines audiences correctionnelles sont maintenues. Il s’agit des audiences statuant sur la détention provisoire ou sur le contrôle judiciaire, les comparutions immédiates ou encore certaines présentations au juge d’instruction et les audiences de la chambre de l’instruction pour les contentieux urgents. Chaque juridiction a organisé à sa manière la communication avec les parties.
Certaines envoient des avis d’audience indiquant que l’audience est annulée et d’autres indiquent oralement aux parties qu’elles seront tenues avisées de la date d’audience nouvellement fixée. Ces renvois ou « annulation » se faisant en l’absence des parties, les services du parquet devraient signifier de nouvelles citations lorsque l’activité normale sera reprise.
S’agissant des délibérés, l’ordonnance prise en application de la loi du 23 mars 2020 et qui concerne les affaires pénales, dispose en son article 7 que les jugements ou décisions peuvent être rendues en publicité restreinte, à huis-clos ou en chambre du conseil. Dans ce cas, elles doivent être affichées dans un lieu de la juridiction accessible au public.
II- LES DÉLAIS
Les délais concernent surtout les délais impératifs relatifs à la détention provisoire, aux mesures de contrôles judiciaires et à l’exécution des peines.
Certains points de l’ordonnance doivent être soulignés :
· Les délais de prescription de l’action publique et de la peine sont suspendus à compter du 12 mars 2020 (article 3 de l’ordonnance).
·les délais pour l’exercice des voies de recours sont allongés, leurs durées sont doublées et ne doivent pas être inférieures à 10 jours (article 4 de l’ordonnance).
·Il faut préciser que les formes pour interjeter appel, former un pourvoi en cassation, ainsi que pour présenter certaines demandes d’actes sont assouplies et peuvent être faits par LRAR ou même par email à l’adresse communiquée à cette fin par la juridiction.
Il faut noter que les autres délais, ceux qui ne concernent pas la détention ou le contrôle judiciaire, n’ont pas été visés par l’ordonnance. Le calendrier habituel doit donc être respecté par exemple avis 175 du CPP (fin de l’instruction) ou des réquisitions définitives. Cependant, compte tenu du plan de continuité, sauf affaires urgentes, les juges d’instruction ne procèdent à aucun acte en ce moment.